Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 20 juillet 2023 – DELIBERATION N°2023-208

La CRE a émis un avis sur le projet d’arrêté concernant les droits à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, et a pris une décision sur les modalités de calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité, lors de sa délibération du 20 juillet 2023.

LE CONTEXTE

Règles régissant le calcul des droits ARENH dans leur contexte.

Le dispositif ARENH, en vigueur de 2011 à 2025, permet aux consommateurs d’électricité de bénéficier de coûts stables et modérés grâce à l’achat régulé de l’électricité produite par les centrales nucléaires historiques d’EDF. La loi fixe un volume maximal annuel de 120 TWh d’électricité nucléaire historique pouvant être cédé par EDF. La Commission de régulation de l’énergie calcule le volume cédé à chaque fournisseur en prenant en compte les caractéristiques de la consommation finale et la part de la production des centrales nucléaires d’EDF dans la consommation totale. Les droits ARENH des fournisseurs sont également calculés par la CRE, sous réserve de détails supplémentaires fixés par décret en Conseil d’État.

L’article R.336-14 du code de l’énergie, modifié par le décret n°2022-1380 du 29 octobre 2022, établit que le droit ARENH est calculé en fonction de la consommation prévisionnelle pendant les heures de faible consommation d’électricité en France continentale. L’arrêté du 17 mai 2011 définit la quantité théorique d’ARENH de chaque fournisseur en fonction de la puissance moyenne consommée pendant une période de référence et d’un coefficient de bouclage fixé à 0,964. Ce coefficient permet de garantir que la quantité totale d’ARENH correspond à la proportion de la production nucléaire dans la consommation totale. La Commission de régulation de l’énergie n’a pas émis d’objection sur ce coefficient car il répond aux objectifs législatifs et tient compte de la production prévisionnelle du parc nucléaire français et des volumes exportés hors de France.

    La variation de la consommation nationale et de la production nucléaire justifie une réévaluation du coefficient de bouclage.

    Lors de la mise en place du dispositif ARENH, une hypothèse de production nucléaire moyenne de 430 TWh par an avait été retenue. Cependant, en raison de divers facteurs tels que la baisse de disponibilité du parc nucléaire, les perturbations liées à la crise sanitaire et les problèmes de corrosion sous contrainte, EDF a revu ses prévisions de productible nucléaire à la baisse pour 2023 et les années à venir. Selon les dernières informations, la production du parc nucléaire d’EDF pour 2024 est estimée entre 315 et 345 TWh. De plus, la consommation nationale et les volumes exportés ont également évolué depuis le calcul initial du coefficient de bouclage en 2011.

    Saisine de la CRE

    La ministre de la transition énergétique a proposé à la CRE un projet d’arrêté visant à modifier celui du 17 mai 2011. Ce projet réduit le coefficient de bouclage de 0,964 à 0,844 pour les périodes de livraison à partir du 1er janvier 2024.

    OBSERVATIONS DE LA CRE SUR LE PROJET D’ARRÊTÉ

    Il y a un an, la CRE avait été saisie d’un projet d’arrêté similaire proposant de fixer le coefficient de bouclage à 0,819 à partir du 1er janvier 2023. La CRE avait émis un avis favorable sur ce projet, mais l’arrêté n’a jamais été publié. Le nouveau projet d’arrêté propose désormais un coefficient de bouclage de 0,844 pour les périodes de livraison à partir du 1er janvier 2024 et du 1er janvier 2025, tout en introduisant des modifications techniques pour améliorer la rédaction de l’arrêté.

    Estimation de la proportion de la production nucléaire dans la consommation nationale.

    Depuis son avis en 2022 sur une première évolution du coefficient de bouclage, les prévisions de production nucléaire ont changé. Selon les données d’EDF, la production prévue pour 2024 est entre 315 TWh et 345 TWh, tandis que pour 2025, elle est estimée à environ 350 TWh. La CRE considère une moyenne annuelle de 340 TWh pour la période 2024-2025. Les volumes exportés en dehors du territoire sont déduits de la production nucléaire, selon les prévisions communiquées par EDF aux autorités.

    La CRE estime la consommation nationale annuelle moyenne à 470 TWh pour les années 2024 à 2025, basée sur les estimations de RTE. Avec ces données, la part de la production nucléaire française dans la consommation nationale est évaluée à 67,7% pour la même période.

    Estimation du ratio entre la puissance consommée annuellement et celle consommée pendant la période de référence.

    Pour calculer les droits ARENH au niveau national, la CRE estime approprié de se baser sur un historique de consommation sur une période de 10 ans, permettant de lisser les variations annuelles tout en prenant en compte des années récentes et comparables en termes d’usages électriques. De plus, étant donné l’impact exceptionnel de la baisse de la consommation nationale en 2020 et 2022 en raison de la crise sanitaire et des prix de l’énergie, la CRE décide d’exclure ces deux années du référentiel historique. Le rapport moyen entre la puissance consommée en France sur l’année et sur la période de référence, pour l’horizon 2024-2025, est estimé à 1,249.

    Résultat du calcul du coefficient de bouclage

    L’ensemble des hypothèses conduit à un coefficient de bouclage de 84,5%. La valeur proposée dans le projet d’arrêté est légèrement inférieure (84,4%) à celle calculée par la CRE, mais cet écart mineur n’affecte pas la pertinence du coefficient proposé dans le projet d’arrêté. La CRE estime que la valeur du coefficient de bouclage du projet d’arrêté est fiable et cohérente avec les objectifs économiques, ainsi qu’avec les meilleures estimations disponibles concernant la production nucléaire et la consommation d’électricité en France.

    CONSEQUENCES DE LA DIMINUTION DU COEFFICIENT DE BOUCLAGE.

    Impacts sur la composition de l’approvisionnement des fournisseurs.

    La baisse du coefficient de bouclage de l’ARENH reflète la diminution de la part de la production nucléaire dans la consommation d’électricité française, entraînant une augmentation de la proportion d’approvisionnement qui devrait être valorisée au prix de gros pour les consommateurs français. Cependant, en raison de l’écrêtement des demandes d’ARENH en raison du plafond de 100 TWh par an, cette baisse n’aura pas d’impact concret sur la part de l’approvisionnement des consommateurs français couverte par l’ARENH. La nouvelle valeur de coefficient de bouclage entraînera une diminution de l’écrêtement, compensée par une diminution équivalente du droit ARENH calculé avant l’atteinte du plafond. Cela offrira une meilleure visibilité aux acteurs et aux consommateurs finals en réduisant la part de l’approvisionnement sujette à l’écrêtement dont l’ampleur n’est connue qu’un mois avant le début de l’année concernée.

    Adaptation de la méthodologie de calcul des Tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE).

    En appliquant la baisse prévue du coefficient de bouclage, le droit ARENH des clients au TRVE résidentiel diminuerait de 67 % à 58 %. Cela entraînerait une augmentation des volumes à approvisionner au titre du complément de marché en énergie et garanties de capacité. La CRE propose un approvisionnement lissé sur les jours de cotation des produits à terme annuels 2024 et 2025 sur le marché EEX, suite à la publication de l’arrêté. Cette modification limite l’exposition des TRVE à la volatilité des prix de fin d’année, mais son effet sera partiellement atténué pour les TRVE 2024 en raison du délai de publication de l’arrêté.

    Augmentation des charges anticipées du TURPE pour couvrir les pertes des gestionnaires de réseau

    La baisse du coefficient de bouclage entraîne une diminution des quantités d’ARENH attribuées aux gestionnaires de réseaux publics d’électricité pour compenser leurs pertes. Cette baisse devra être compensée par des achats supplémentaires sur les marchés de gros. Les droits ARENH des gestionnaires de réseaux représentent environ 25,7 TWh en 2024 pour Enedis et RTE. La réduction du coefficient de bouclage impliquerait une baisse d’environ 3,2 TWh des volumes de pertes sourcés à l’ARENH. Les charges supplémentaires seront répercutées sur les consommateurs via des hausses ultérieures du TURPE

    DECISION DE LA CRE

    La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a été saisie pour avis d’un projet d’arrêté concernant le calcul des droits ARENH. Ce projet prévoit une baisse du coefficient de bouclage pour ajuster les volumes d’ARENH théoriques à la production nucléaire dans la consommation nationale. La CRE estime que cette modification permettra de réduire les incertitudes sur les prix de l’électricité, mais entraînera une hausse du prix des pertes électriques pour les gestionnaires de réseau, impactant les consommateurs par une future hausse du TURPE. La CRE donne un avis favorable au projet d’arrêté et recommande une publication rapide pour redonner de la visibilité aux acteurs. Elle conseille également une décision rapide sur l’évolution des autres paramètres de l’ARENH. La délibération définit les modalités de prise en compte de la baisse du coefficient de bouclage dans les tarifs réglementés de vente d’électricité.

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